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L’esprit de famille


                                                                             Mix



                                                                     & MATCH













                                                Une rencontre : le duo Aaron Levin et   Une ville : Tokyo. En fait, je ne sais même pas
                                                Jean-François Porchez. Ce sont deux créa-  si on peut parler de ville. C’est un monde en
                                                teurs dont j’ai croisé la route à plusieurs reprises   soi. 37 millions d’habitants (banlieue comprise
                                                durant ma carrière. J’ai travaillé avec l’un, avec   quand même). Ça foisonne, ça bourdonne, c’est
                                                l’autre, avec les deux. Aaron est designer, direc-  immense. Le grand côtoie le petit partout. On
                                                teur de création qui me fait penser à un Woody   passe d’un quartier de gratte-ciels à une ruelle
                                                Allen du design. Toujours fin, simple, avec une   traditionnelle d’un mètre de large remplie d’iza-
                                                note d’humour et de dérision. J’apprends tou-  kayas aux lampions rouges, odeurs de grillades
                                                jours beaucoup à le voir travailler.  et working men bourrés à partir de 21h. Le mo-
                                                                                      derne côtoie le traditionnel, l’énergie débordante
                                                Jean-François est typographe. Un pur de dur.   côtoie le zen des jardins... Tout s’imbrique et se
                                                Pour moi le meilleur en France. Fier défenseur   met en abîme continuellement. C’est borderline
                                                des droits d’auteur (et Dieu sait que c’est mission   mais ça sait se tenir, ça obéit tout en sortant du
                                                impossible à l’heure actuelle), cela ne l’a pas   cadre. Et ça fonctionne ! L’esprit français en
                                                empêché de créer il y à deux ans quatre typo-  mode asiatique.
                                                graphies pour Conqueror, qui sont accessibles
                                                en libre de droits…
                                                                                      Un peintre : Banksy. Comme je le disais plus
                                                                                      haut, l’art est (ou doit être) partout. Et surtout, il a
                                                Une campagne : Wass’up - Budweiser. Cette   une fonction : raconter des histoires, faire vibrer,
                                                campagne date un peu « et elle a existé dans la   crier, protester, ouvrir les yeux. Banksy conteste
                                                durée » (1999 à 2002). Je la trouve formidable.   en contexte. Il va poser les messages poétiques
                                                Pour une fois, on ne fait pas la promotion d’un   et symboliques sur les lieux où ils font sens, ce
                                                produit, mais de son usage et d’une culture   qui leur donne leur puissance signifiante. Dans
                                                partagée au quotidien. Une approche populaire,   un musée, ça ne veut plus rien dire. C’est sans
                                                une manière d’être ensemble grâce à des codes   doute pour ça qu’il a fait en sorte que son oeuvre
                                                dans lesquels chacun se retrouve. Sans compter   enfermée dans une vente d’art s’autodétruise. À la
                       Thibaut Claudel          la puissance du buzz. On la retrouve dans « Scary   gloire, il préfère l’influence. Qui est-il ? La petite
                                                Movie », preuve qu’elle est constituante de la
                                                                                      musique du monde.
                                                culture Pop’.
                       Associé et Directeur     Une signature : Yes we can. Voilà. On est   Un photographe : Robert Capa. Parce qu’il
                       de création              allés au bout. La transformation des politiques   est le symbole de ce que doit être la photographie.
                                                en marques inspirantes. La campagne, son claim   Une photographie de regard, d’opinion, de prise
                                                                                      de position, de risque. Qui prend pour cible le
                                                qui se pose en miroir d’un Just Do It qui avait déjà   monde qui ne se regarde pas en face. Aujourd’hui
                                                fait le job, et son iconographie militante (sans   l’image, démultipliée, retouchée, filtrée, soumise
                                                parler de la typographie Gotham, de la maison   à une intention manipulatoire, a perdu son âme.
                                                new-yorkaise Hoefler & Co, une merveille), ont   On multiplie les signes, on oublie le fond. On est
                                                défié les codes de la communication politique.   passé de la génération « Eye » à la génération
                                                Bref, tout le monde peut voter, et tout le monde   « I ». Lui disait, exposé sur les champs de ba-
                                                peut changer le monde. Simple. Cliché. Et telle-  taille : « Si vos images ne sont pas bonnes, c’est
                                                ment efficace. Même si « Ensemble tout devient   que vous n’êtes pas assez près ». Cela reste vrai
                                                possible », un pur plagiat à la française, ça en jette   aujourd’hui, pour la photographie comme pour
                                                moins. Mais ça a marché quand même !  tous les métiers d’image et de communication.

                                                Un disque : Bring out the sound - The    Un vêtement : un jean Dior. Je ne m’habille
                                                Herbaliser. Ce n’est pas un classique. C’est   pas trop, ce n’est pas trop mon truc. Mais j’ai
                                                même plutôt récent. Mais ces gars sont des   une petite marotte : je ne porte que des jeans
                                                vieux de la vieille (ils ont mon âge, quoi…). Des   Dior (sur des Nike, ou des T-shirt H&M). C’est
                                                britanniques, qui mélangent jazz, funk et hip   une marque magnifique, sobre, qui reflète à mes
                                                hop depuis plus de 20 ans. Des influences à la   yeux l’élégance décalée à la française. Par contre,
                                                Barry Adamson. En mêlant digital et orchestral,   remplacer le monogramme « YSL », par « Saint-
                                                ils réinventent les codes et ils envoient du très   Laurent » en Helvetica... Je m’insurge.
                                                lourd, sur de petites scènes, pour un public de
                                                connaisseurs…


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