Page 14 - Heidi's MIX - Flipbook
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L’esprit de famille
Mix
& MATCH
Une rencontre : le duo Aaron Levin et Une ville : Tokyo. En fait, je ne sais même pas
Jean-François Porchez. Ce sont deux créa- si on peut parler de ville. C’est un monde en
teurs dont j’ai croisé la route à plusieurs reprises soi. 37 millions d’habitants (banlieue comprise
durant ma carrière. J’ai travaillé avec l’un, avec quand même). Ça foisonne, ça bourdonne, c’est
l’autre, avec les deux. Aaron est designer, direc- immense. Le grand côtoie le petit partout. On
teur de création qui me fait penser à un Woody passe d’un quartier de gratte-ciels à une ruelle
Allen du design. Toujours fin, simple, avec une traditionnelle d’un mètre de large remplie d’iza-
note d’humour et de dérision. J’apprends tou- kayas aux lampions rouges, odeurs de grillades
jours beaucoup à le voir travailler. et working men bourrés à partir de 21h. Le mo-
derne côtoie le traditionnel, l’énergie débordante
Jean-François est typographe. Un pur de dur. côtoie le zen des jardins... Tout s’imbrique et se
Pour moi le meilleur en France. Fier défenseur met en abîme continuellement. C’est borderline
des droits d’auteur (et Dieu sait que c’est mission mais ça sait se tenir, ça obéit tout en sortant du
impossible à l’heure actuelle), cela ne l’a pas cadre. Et ça fonctionne ! L’esprit français en
empêché de créer il y à deux ans quatre typo- mode asiatique.
graphies pour Conqueror, qui sont accessibles
en libre de droits…
Un peintre : Banksy. Comme je le disais plus
haut, l’art est (ou doit être) partout. Et surtout, il a
Une campagne : Wass’up - Budweiser. Cette une fonction : raconter des histoires, faire vibrer,
campagne date un peu « et elle a existé dans la crier, protester, ouvrir les yeux. Banksy conteste
durée » (1999 à 2002). Je la trouve formidable. en contexte. Il va poser les messages poétiques
Pour une fois, on ne fait pas la promotion d’un et symboliques sur les lieux où ils font sens, ce
produit, mais de son usage et d’une culture qui leur donne leur puissance signifiante. Dans
partagée au quotidien. Une approche populaire, un musée, ça ne veut plus rien dire. C’est sans
une manière d’être ensemble grâce à des codes doute pour ça qu’il a fait en sorte que son oeuvre
dans lesquels chacun se retrouve. Sans compter enfermée dans une vente d’art s’autodétruise. À la
Thibaut Claudel la puissance du buzz. On la retrouve dans « Scary gloire, il préfère l’influence. Qui est-il ? La petite
Movie », preuve qu’elle est constituante de la
musique du monde.
culture Pop’.
Associé et Directeur Une signature : Yes we can. Voilà. On est Un photographe : Robert Capa. Parce qu’il
de création allés au bout. La transformation des politiques est le symbole de ce que doit être la photographie.
en marques inspirantes. La campagne, son claim Une photographie de regard, d’opinion, de prise
de position, de risque. Qui prend pour cible le
qui se pose en miroir d’un Just Do It qui avait déjà monde qui ne se regarde pas en face. Aujourd’hui
fait le job, et son iconographie militante (sans l’image, démultipliée, retouchée, filtrée, soumise
parler de la typographie Gotham, de la maison à une intention manipulatoire, a perdu son âme.
new-yorkaise Hoefler & Co, une merveille), ont On multiplie les signes, on oublie le fond. On est
défié les codes de la communication politique. passé de la génération « Eye » à la génération
Bref, tout le monde peut voter, et tout le monde « I ». Lui disait, exposé sur les champs de ba-
peut changer le monde. Simple. Cliché. Et telle- taille : « Si vos images ne sont pas bonnes, c’est
ment efficace. Même si « Ensemble tout devient que vous n’êtes pas assez près ». Cela reste vrai
possible », un pur plagiat à la française, ça en jette aujourd’hui, pour la photographie comme pour
moins. Mais ça a marché quand même ! tous les métiers d’image et de communication.
Un disque : Bring out the sound - The Un vêtement : un jean Dior. Je ne m’habille
Herbaliser. Ce n’est pas un classique. C’est pas trop, ce n’est pas trop mon truc. Mais j’ai
même plutôt récent. Mais ces gars sont des une petite marotte : je ne porte que des jeans
vieux de la vieille (ils ont mon âge, quoi…). Des Dior (sur des Nike, ou des T-shirt H&M). C’est
britanniques, qui mélangent jazz, funk et hip une marque magnifique, sobre, qui reflète à mes
hop depuis plus de 20 ans. Des influences à la yeux l’élégance décalée à la française. Par contre,
Barry Adamson. En mêlant digital et orchestral, remplacer le monogramme « YSL », par « Saint-
ils réinventent les codes et ils envoient du très Laurent » en Helvetica... Je m’insurge.
lourd, sur de petites scènes, pour un public de
connaisseurs…
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